Vers l’autosuffisance alimentaire au Gabon
Financement SDG-Fund : un projet pilote de résilience et production alimentaire à fort potentiel pour propulser les ODD et aider les plus vulnérables.
En 2022, les Nations Unies, avec un financement du Fonds des Nations Unies pour les Objectifs de Développement Durable (SDG Fund), mis en œuvre par la FAO et le PNUD, se sont engagées avec le Gouvernement Gabonais, dans un projet visant à promouvoir la production alimentaire, la diversification économique locale et l’inclusion par la transformation de l’agriculture au Gabon.
Dans le sillage de la crise provoquée par la pandémie de la COVID-19, le projet « Renforcement de la productivité et de la résilience des femmes et des jeunes » a engendré une onde de choc positive à travers des appuis multiformes apportés aux acteurs des filières agro-pastorale. En transformant le secteur agricole, ce type de projet pilote ne se contente pas de renforcer la productivité et la résilience des communautés vulnérables, mais s'érige en moteur d’accélération de la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD).
Avant le lancement du projet, les communautés de Bitam et Oyem dans la province du Woleu-Ntem au nord du pays, luttaient contre les retombées économiques désastreuses de la pandémie, une forte inflation, un coût de la vie élevé, aggravé par le peu d’opportunités de génération de revenus. Il faut dire en effet, que la pandémie de COVID-19, en érodant les moyens d’existence des populations vulnérables à la base, a accentué leur précarité. Des actions concrètes et spécifiques étaient donc nécessaires pour assurer un relèvement post-COVID-19 de ces populations. Le projet pilote a été conçu pour transformer ce défi en opportunité.
Pourquoi considère-t-on que ce projet ait été un succès ?
En moins de 6 mois, le projet a permis de créer 1,000 emplois directs en faveur des populations vulnérables, principalement des jeunes et des femmes ; démontrer l’efficacité de nouvelles techniques agricoles qui ont été dupliquées rapidement, ouvrant ainsi la voie à la multiplication de matériel végétal de qualité sur des espaces réduits et pour une courte durée pour ce qui concerne notamment, le bananier et le manioc ; et créer une nouvelle chaîne de valeur dans la région, à savoir celle du lapin domestique.
Les bénéficiaires des zones d’intervention (500 ménages) ciblés par le projet, ont été identifiés par un processus d’auto-ciblage (campagnes de sensibilisation et d’information sur le projet ayant amené les populations à y adhérer) et de ciblage (séances de travail avec les groupes d’ensemble et les groupes spécifiques incluant les autorités administratives et locales, au cours desquelles, les bénéficiaires ont été identifiés et enregistrés). Des bénéficiaires ont déclaré pouvoir bénéficier grâce au projet, d’un revenu mensuel allant jusqu’à 500 000 Francs CFA soit environ 821 dollars américains, bien supérieur au revenu minimum mensuel fixé à 150 000 Francs CFA soit 246 dollars américains.
Marie, une agricultrice de Bitam, confirme : « Grâce au projet, j'ai triplé ma production et mon revenu, me permettant d'offrir une meilleure éducation à mes enfants ».
En réalité, le projet pilote a pu créer de nouvelles opportunités d’apprentissage, de production alimentaire et de génération de revenu pour des groupes vulnérables :
- En faveur de plus de 70 détenus qui, grâce au projet, ont pu apprendre un nouveau métier (et les techniques y afférentes) leur ayant permis d’améliorer leur sécurité alimentaire et nutritionnelle, leurs conditions de vie, tout en préparant leur réintégration sociale et économique.
- Les habitants des villages proches des zones d’intervention ont répliqué, sur fonds propres, et avec les conseils de proximité des bénéficiaires, les initiatives du projet.
- En initiant les élèves du Lycée d’État Richard Nguema Békalé d’Oyem aux techniques de production promues par le projet, les effets induits incluant l’amélioration des revenus, ont été dupliqués au sein des familles des apprenants tout en permettant l’entrée de ressources financières (issues de la vente des produits de la coopérative scolaire) dans les caisses du lycée, pour financer des fournitures scolaires.
La production locale a été vendue sur les marchés locaux à des prix défiant toute concurrence, donc nettement inférieurs aux prix des produits alimentaires importés du Cameroun voisin. Ce résultat a permis que les produits à forte valeur nutritionnelle soient accessibles aux populations démunies, contribuant ainsi à la satisfaction des besoins alimentaires urbains et à l’allégement du panier de la ménagère.
L’efficacité et la pertinence locale des techniques innovantes apportées par la FAO ont été prouvées à travers leur appropriation et duplication par les bénéficiaires et autres populations vivant dans les zones d’intervention. Les techniques innovantes, de multiplication du matériel végétal de qualité et de production en plein champ, partagées par la FAO avec les communautés, sont à la fois simples et efficaces. Elles permettent une multiplication du matériel végétale sain (rejets de bananier et boutures de manioc) et la maîtrise des itinéraires techniques des cultures maraîchères et vivrières (ananas). Par exemple, la technique dite « Plants Issus de Fragments de tige » (PIF), permet de produire à partir d’un rejet de bananier, jusqu’à 20 vivo plants sains au lieu d’un seul qui n’aurait pas nécessairement été sain.
Les communautés ont très vite compris l’avantage de ces nouvelles techniques et se sont empressées de les reproduire. Ainsi à la fin du projet et en termes d’effets induits par duplication, il a été observé que seize (16) germoirs et une vingtaine de clapiers avaient été mis en place par les populations sans que cela ait été prévu par le projet. Sur la base des résultats issus des activités réalisées, le Gouvernement a par ailleurs, sollicité la FAO pour une mise à l’échelle du projet dans l’ensemble des provinces du pays.
L’approche Champs École Paysan (CEP) promue par le projet en milieu rural, a favorisé le partage d’informations, d’expériences, l’entraide et le travail en équipe pour pallier certaines difficultés techniques qui limitent les producteurs dans leurs activités de production. Elle a en outre, renforcé la capacité d’autonomisation des acteurs et de prise en charge des actions au niveau communautaire.
Le développement de la chaîne de valeur cunicole du projet a permis d’introduire 200 lapins domestiques dans les activités d’élevage des départements ciblés. Il est estimé à date qu’environ, 1000 naissances sont effectives. Potentiellement alternative à la viande de brousse, la viande de lapin domestique pourrait permettre de réduire significativement l’impact négatif du braconnage en assurant aux populations un apport important en protéines d’origine animale. La rapidité de reproduction des lapins (du fait d’un cycle court) et le nombre important de lapereaux par portée, associés à une forte valeur marchande (le lapin importé de France se vend à 37 USD le kilo à Libreville), sont autant d’arguments qui ont conduit au développement et à la promotion de cette nouvelle chaine de valeur au profit des zones d’intervention dont le tissu économique est en train d’être renforcé par la diversification des activités génératrices de revenus.
Le développement et la promotion de la filière lapin domestique ainsi que celles de la banane, du manioc, de l’ananas et du maraîchage, constituent autant d’opportunités devant permettre de réduire significativement la dépendance du pays aux importations de viande et de produits vivriers et maraîchers du Cameroun.
Les ingrédients du succès
Si ce projet a été un succès, c’est parce que non seulement il répondait, en se basant sur les évidences, aux besoins réels des populations locales et de ses membres les plus vulnérables, mais aussi qu’il s’est appuyé sur une expertise avérée d’une agence des Nations Unies et une excellente connaissance du terrain et des spécificités locales pour introduire, en étroite coopération/partenariat avec les services déconcentrés de l’État fortement engagés, les techniques agricoles innovantes précitées, tout en contribuant à la vision stratégique de l’État Gabonais. Vision qui vise à réduire les importations des produits agricoles, assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, lutter contre le chômage et contribuer à l’atteindre des ODD. Ainsi ces éléments de réussite permettent d’espérer une opportunité d’extension des acquis du projet pilote.
Des communautés au cœur du projet et les vulnérables au centre
Le projet qui a accordé une importance particulière à l'égalité des genres et à l’inclusion socio-économique des acteurs, en favorisant la participation des femmes et des jeunes, a également permis de créer des opportunités d’emplois et de revenus et a promu des pratiques agricoles rentables pour les producteurs, respectueuses de l'environnement et des services écosystémiques. Ainsi donc, ce sont environ 500 ménages ruraux à vulnérabilité spécifique, plus de 70 détenus de la prison centrale d’Oyem et 150 élèves qui ont bénéficié du projet dans la province du Woleu-Ntem et plus particulièrement dans les villes d’Oyem et de Bitam.
Une bonne connaissance du terrain, des communautés et une expertise technique
La FAO, l’Agence des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, intervient régulièrement dans les provinces de l’Estuaire, de l’Ogooué Maritime et du Woleu-Ntem. Grâce à la mise en œuvre de plusieurs programmes, initiatives et projets sur le territoire gabonais, la FAO a accompagné des milliers de bénéficiaires, lui conférant de fait, une très bonne connaissance du terrain et des communautés. D’un point de vue technique l’expertise de la FAO a permis aux communautés de bénéficier de formations sur les techniques de production innovantes et durables reconnues dans plusieurs pays. L’approche Champs-École -Paysan, qui permet aux producteurs d’apprendre et d’appliquer des innovations technologiques afin d’en comparer les résultats avec ceux issus des techniques classiques traditionnelles, a été démontrée puis adoptée.
Un partenariat étroit avec des spécialistes gabonais en matière d’agriculture
Les administrations techniques décentralisées, notamment du ministère en charge de l’Agriculture, étaient fortement impliquées dans le projet. Cet engagement a été une des clés pour sa réussite. Les spécialistes Gabonais ont pu, tout en contribuant à la soutenabilité du projet, apporter leur expertise et leur connaissance du terrain. Le projet a également mobilisé l’expertise locale des services décentralisés de l’élevage et de l’agriculture pour faciliter la mise en œuvre, le suivi et l’appropriation des activités sur le terrain, et ce même après la clôture des activités. Pour les groupes de bénéficiaires vulnérables, cela représente un avantage significatif car l’appui-conseil de proximité est un facteur de réussite dans la conduite de leurs activités.
Vision stratégique du Gabon pour atteindre les ODD
Le projet a un fort potentiel multiplicateur et vise à atteindre plusieurs Objectifs de développement durable (ODD) en créant des opportunités économiques et en améliorant la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Premièrement, il contribue à l'éradication de la pauvreté (ODD 1) en offrant des opportunités d'emploi durable aux jeunes et aux femmes, deux groupes souvent marginalisés. Deuxièmement, en renforçant l'autonomie des femmes et en leur donnant accès à des ressources et des formations, le projet favorise l'égalité des genres (ODD 5). Troisièmement, en développant une agriculture durable et résiliente, il soutient la lutte contre la faim (ODD 2) et encourage des pratiques agricoles agroécologiques et respectueuses de l'environnement (ODD 15). En outre, le projet contribue à la croissance économique (ODD 8) en stimulant l'entrepreneuriat agricole et à l'éducation de qualité (ODD 4) en fournissant des formations spécialisées.
Pour tout cela il constitue un modèle intégré qui aborde plusieurs enjeux clés du développement durable au Gabon, ouvrant la voie à une extension à d'autres régions du pays.