Produire autrement : quand les femmes rurales réinventent la culture du manioc et de la banane plantain.
À Nkoghe-Mboun, un petit village de la province du Moyen-Ogooué niché entre forêts et rivières, Madame Atoré Zoghe mène une révolution silencieuse. Cette retraitée, revenue vivre sur ses terres, ne se contente plus de cultiver pour survivre. Grâce à un projet mis en œuvre par la FAO, elle est aujourd’hui au cœur d’un mouvement collectif porté par les femmes rurales qui redéfinissent les pratiques agricoles dans leur communauté.
Tout a commencé lorsqu’un ingénieur agronome est venu au village leur montrer comment multiplier les rejets de bananier plantain, grâce à la méthode de Plants Issus de Fragments de tige (PIF). Ce jour-là, dans un mélange de curiosité et d’espoir, Madame Atoré Zoghe et les autres femmes du village ont appris à parer et praliner les rejets de bananier plantain, à construire un germoir, à l’ensemencer avec les fragments de tige, à l’humidifier, à en surveiller l’évolution jusqu’au sevrage et acclimatation des rejets, et surtout, à reproduire elles-mêmes du matériel végétal de qualité. Mais au lieu de se limiter à une petite parcelle expérimentale comme prévu, elles décident d’aller plus loin. Deux hectares ont été emblavés puis plantés, et la coopérative « ANYEGHE NZAME » (Amour de Dieu) a été créée pour mutualiser les efforts de production de la communauté. Ce qu’elles demandaient alors à la FAO ? Des tronçonneuses, des tarières, des machettes, des pelles bêches, des pioches et des houes. Parce qu’elles avaient décidé de faire grand, et de faire mieux en réduisant significativement, la pénibilité des travaux champêtres.
L’histoire de Madame Atoré Zoghe est aussi celle de 307 producteurs, dont 122 femmes, qui ont renforcé leurs capacités en techniques de multiplication rapide du matériel végétal dans les provinces du Moyen-Ogooué et du Woleu-Ntem. Parmi les 122 femmes bénéficiaires de l’appui de la FAO, 33 d’entre elles ont déjà mis en pratique leurs acquis en installant de nouvelles parcelles de manioc et de bananier plantain. Au-delà des chiffres, ce projet piloté par la FAO en partenariat avec le ministère en charge de l’Agriculture, a permis entre autres, de poser les fondations d’une production vivrière plus résiliente, plus autonome et plus adaptée aux conditions biotiques et abiotiques locales. En promouvant la multiplication et la plantation des rejets sains, c’est aussi une graine d’autonomie et de transformation qui a été plantée dans les esprits. Et les récoltes, elles, ne font que commencer.
Car au Gabon, l’une des contraintes majeures qui entravent le développement de l’agriculture, reste l’insuffisance de semences de bonne qualité, notamment pour les filières porteuses comme celle du manioc et de la banane plantain. En ciblant directement ces spéculations stratégiques, le projet a permis non seulement d’améliorer les rendements, mais aussi de renforcer les savoir-faire locaux, avec une attention particulière portée aux femmes et aux jeunes. Il a contribué ainsi, aux Objectifs de développement durable, notamment la lutte contre la faim (ODD 2), l’égalité des sexes (ODD 5) et la promotion d’une agriculture durable (ODD 12).